Un peu Portishead, un peu Chet Baker : Oan Kim, le jazz de l’entre-deux


Louis-Julien Nicolaou

13/03/22 @ telerama

REPÉRÉ - Chanteur, compositeur, multi-instrumentiste : à 47 ans, Oan Kim sort un premier album ovni. Il sera en concert le 22 mars au New Morning, à Paris.

Un album qui, dès son titre, revendique un « jazz sale » ne peut qu’intriguer. Artiste complet, Oan Kim est pourtant loin d’avoir bâclé son Oan Kim & the Dirty Jazz. Mais il a tenu à explorer une zone trouble, hors des territoires trop balisés. « J’ai délibérément imaginé une musique cross-over qui pourrait être perçue aussi bien comme du rock indépendant que comme du jazz, explique-t-il. Cela me plaisait de me situer dans cet entre-deux. Étant franco-coréen, j’ai l’habitude d’être à cheval entre deux cultures éloignées. » De fait, ce disque gorgé de rêve et de mélancolie, loin de se complaire dans des formes convenues, épouse des états émotionnels mouvants, impressions de blues, temps de pluie, de solitude ou d’errances.

Ascendants

Si Oan Kim & the Dirty Jazz est le premier album à paraître sous son seul nom, le fils du peintre Kim Tschang-yeul a déjà accompli de nombreuses réalisations artistiques. Épris de jazz dès l’adolescence, il a d’abord étudié les musiques classique et contemporaine ainsi que la composition. « À 20 ans, je me rêvais en Luigi Nono », se rappelle-t-il. Kim s’est ensuite échappé vers le rock avec le groupe Film Noir, puis vers l’electro-rock au sein de Chinese Army, son duo formé avec le guitariste Benoît Perraudeau. Dans le même temps, il développait une activité de photographe et de réalisateur. « Je n’ai jamais pu ni voulu arrêter mon travail visuel ou musical parce qu’ils sont complémentaires », affirme-t-il. Pour l’agence Myop, Kim a récemment conçu une chronique photographique du confinement qui a donné naissance à un livre intitulé Sine Die (éd. André Frère). « Quand j’accomplis ce type de travail, j’ai la passion du réel. Avec la musique, il s’agit plutôt de s’enfermer dans une pièce et de vivre le moment présent de façon intense, de vivre des émotions et des sentiments de manière abstraite. »

Signes particuliers

En plus de chanter et de jouer du saxophone, Oan Kim a façonné seul la quasi-totalité de la matière sonore d’Oan Kim & the Dirty Jazz (avec le soutien, çà et là, du trompettiste Nicolas Folmer et du batteur Edward Perraud). Une expérience d’autarcie qui explique la grande homogénéité de l’album. « J’étais comme un savant fou, dans ma bulle, se rappelle-t-il. C’était une façon de m’extraire du monde. » Cette coupure se retrouve dans l’esthétique générale, qui peut évoquer Portishead et l’ambient aussi bien que Chet Baker ou Elliott Smith tout en restant singulière, notamment dans sa manière d’aborder la tristesse, toujours mise à distance par une sorte de sourire apollinien. Acceptation ou résignation, ce sourire apporte une légèreté, une douceur à l’album et permet d’en apprécier d’autant plus le caractère un peu ovni.

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